Pour une offensive démocratique.

Les victoires ou les défaites des partis démocratiques font le sens même de notre système de vie collective. On peut les saluer ou les déplorer, les expliquer ou les interroger, les consolider pour les unes, y remédier pour les autres, rien de tout cela n'est anodin mais fait profondément partie de la vie démocratique.

Avec une progression ou une victoire de l'extrême droite, c'est d'autre chose qu'il s'agit. C'est le cœur même de nos valeurs démocratiques qui est atteint, c'est l'autre qui est visé. Non pas qu'il faille négliger ou refuser d'entendre le message que cette victoire recouvre. Tout au contraire. Il faut faire front d'une manière radicale même si aucun remède miracle n'existe pour répondre à ce phénomène qui dépasse de loin et depuis longtemps nos frontières.

Les faits sont là: comme une machine implacable le Vlaams Blok progresse à chaque scrutin et contrairement aux illusions francophones le terreau persiste en Wallonie et à Bruxelles en dépit de ce que l'on sait sur la faiblesse des structures politiques de l'extrême droite au Sud du pays. Bien sûr, la question économique et sociale, celle de l'exclusion et de l'insécurité sous toutes leurs formes restent centrales dans l'explication du succès de cette extrême droite. Le rejet de la politique dans le fil du populisme qui imprègne l'Europe est un élément supplémentaire. Le vote d'extrême droite est protestation mais il n'est pas que cela, l'implantation de l'idéologie basée sur une conception fondamentalement inégalitaire de la société et sur des discours nourris d'exclusions est une réalité que l'on doit affronter si l'on veut tenter de la combattre efficacement.

Trop souvent encore, quoiqu'ils en disent, les partis démocratiques désarment face aux positions de l'extrême droite, quand ils ne font pas des concessions majeures sur leur propre programme pour tenter de récupérer l'électeur perdu. Avec pour seul résultat, une légitimité renforcée de l'adversaire. Il ne faut pas se faire d'illusions: le combat contre l'extrême droite est de longue haleine, tant sur plan économique et social que sur celui de la politique. Il nécessite présence, pédagogie, volontarisme et affirmation radicale des valeurs démocratiques. A cet égard, l'attitude de la prochaine coalition sur la question du droit de vote des non-européens sera à la fois significative et essentielle.

Face à l'extrême droite, il ne faut pas moins de politique mais plus de politique. Face à l'extrême droite, il faut oser une offensive démocratique.


Hugues Le Paige, Matin Première, 22/05/2003

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