L´expérience du budget participatif de Porto Alegre


Par RAUL PONT
Maire de Porto Alegre (Brésil).

AU Brésil, l´histoire de l´élaboration et de l´exécution des budgets publics est celle de graves déformations liées à la concentration du pouvoir, au gaspillage des ressources, au clientélisme politique et à la corruption. Pendant des décennies, des taux d´inflation très élevés ont également contribué à transformer les budgets en simples fictions impossibles à contrôler par les citoyens et même par des gouvernements qui n´ont jamais réussi à administrer et à prévoir recettes et dépenses. Au cours de ces dernières années, l´inflation a été relativement faible, mais les scandales résultant de la mauvaise affectation des ressources et de l´absence de contrôle populaire n´ont pas cessé pour autant.
A Porto Alegre, capitale de l´Etat de Rio Grande do Sul, le cours de l´histoire a changé dans ce domaine : en 1989, la municipalité élue l´année précédente créa un système innovant et révolutionnaire de formulation et d´accompagnement du budget municipal, appelé budget participatif. C´était la pièce maîtresse d´une série de mesures visant à créer ou à renforcer des structures de participation et de délibération pour la gestion publique du budget et des politiques sectorielles, et pour l´élection des directeurs et des conseillers éducatifs dans le réseau des établissements scolaires municipaux. Dans le budget participatif, ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui tranchent : c´est la population elle-même qui, au travers d´un mécanisme maintenant bien rodé de débats, de consultations et de décisions, définit le montant des recettes et des engagements financiers, décide où seront effectués les investissements et selon quelles priorités.
Contrairement à ce que voudraient laisser croire certains technocrates, la participation populaire a favorisé l´efficacité de la dépense publique, et, en dix ans, les projets décidés dans ce cadre ont entraîné des investissements de plus de 700 millions de dollars. Selon les années, ces investissements ont représenté entre 15 % et 25 % des rentrées fiscales, le reste étant utilisé pour les salaires des fonctionnaires et l´entretien de la machine administrative. Au fil de la décennie écoulée, ce sont les travaux d´assainissement qui ont été prioritairement retenus. Aujourd´hui, pratiquement tous les foyers ont accès à l´eau potable et, de 1989 à 1997, la fraction de la population bénéficiant du tout-à-l´égout est passée de 46 % à 74 %. Des progrès comparables ont été enregistrés dans l´éclairage public, la voirie, le logement, la santé et l´éducation.
Un rapide bilan du budget participatif ne peut cependant pas se résumer à des pourcentages. Il est tout aussi important d´avoir montré que la gestion démocratique et transparente des ressources est le meilleur moyen d´éviter la corruption et les malversations. De même, la preuve a été apportée que les mécanismes pratiques de participation - même s´ils ne touchent encore qu´une petite partie de la population - et l´engagement des autorités municipales à faire ce que les habitants ont décidé jouent un rôle fondamental pour briser les barrières bureaucratiques entre la société et l´Etat, et pour construire une citoyenneté active et mobilisée.
Nul ne prétend qu´il s´agisse d´un système parfait et achevé. Bien au contraire, il pose des problèmes et recèle des vices qui appellent une vigilance constante et exigent une évaluation et des améliorations permanentes. Même si, dans sa courte histoire, il a acquis le statut de référence nationale et internationale, le budget participatif ne saurait être transposé de manière automatique d´une réalité dans une autre. Il reste, et c´est sans doute ce qui compte le plus, qu´à Porto Alegre les habitants sont au fait des affaires publiques, qu´ils décident sur elles, devenant ainsi chaque jour davantage des acteurs de leur propre avenir.


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