Les racines du Vlaams Blok


Paul Verbraeken

Juin 2001

Deux annecdotes exemplaires
Une double continuité


Deux annecdotes exemplaires

Le cas de Roeland Raes qui dut récemment abandonner son siège au Sénat et démissionner de son poste de vice-président du Vlaams Blok, suite à ses déclarations sur le Holocaust lors d´un interview qui fût diffusé à la télévision néerlandaise, nous a rappelé, si besoin en était, des liens entre beaucoup de cadres de ce parti et l´idéologie fasciste (1) dans sa forme la plus classique. Pour ceux qui connaissent le passé de Raes, ces déclarations ne sont pas du tout surprenantes : il les a fait plusieurs fois par écrit, de façon implicite ou explicite.
Cette filiation idéologique qui va directement du tournant vers l´extrême droite d´une grande partie du mouvement nationaliste flamand au cours des années trente jusqu´à maintenant, est bien documentée.

Trois mois plus tard, le ministre flamand Johan Sauwens doit démissionner, suite à sa présence à une réunion du Sint-Maartensfonds, organisation qui regroupe des anciens combattants du front de l´Est, ou plus exactement de tous ceux qui ont porté l´uniforme sous l´occupation. Cette présence a provoqué une assez grande commotion et une indignation (qui ne fut pas immédiate ni unanime). Il ne fait aucun doute que le Vlaams Blok a essayé d´exploiter cette " bévue " du ministre mais ça n´enlève évidemment rien au fait que son geste est inacceptable. Certains ont voulu minimiser " l´incident ", en cherchant de faire une distinction entre les sections limbourgeoises et des deux Flandres, et ceux d´Anvers et du Brabant : les premiers seraient plus " modérées ". En plus, l´appartenance de Sauwens à cette organisation devrait être vu dans le cadre de ses efforts de reconciliation entre les " blancs " et les " noirs " dans sa commune Bilzen, où les confrontations et les règlements de compte entre résistants et collaborateurs auraient été très âpres, comme dans la plus grande partie du Limbourg. L´historien Bart De Wever, spécialiste du mouvement flamand et membre de la direction du Volksunie, écrivait une tribune libre, dont voici un large extrait : " La pertinence accrue du passé de guerre est un instrument pour atteindre certains objectifs. Dans le contexte politique flamand, cela cadre dans le combat contre et la frustration à propos du succès d´un parti populiste de droite. La gauche, qui n´a plus grand chose à nous raconter sur le plan idéologique après l´acceptation générale du libéralisme économique, s´empare avidement de l´anti-fascisme comme légitimation de son contenu. En soi, il n´y a rien à reprocher à cette attitude, mais après le vaudeville autour de la participation gouvernementale en Autriche, le cas Sauwens nous montre de nouveau de façon pénible que les frontières de l´hystérie morale ont été dépassées… En un instant, on se trouve au banc des accusés et une carrière est brisé sans quartier. Celui qui veut donner un avertissement fort, peut se référer à l´ex Allemagne de l´Est, où l´anti-fascisme fut inventé comme produit de l´usine à mensonges communiste à fin de légitimer le fait qu´on enceindrait le pays de barbelés et qu´on observait la population de très près à l´aide d´une Gedankenpolizei (une " police de la pensée ", PV.) La démocratie doit-elle se défendre ? Oui, mais pas en s´abrogeant dans une orgie d´hystérie morale et d´infantilisme intellectuelle. (2)

Dans le cadre de l´affaire Sauwens, je donne trois informations factuelles :

  1. La périodique du Sint-Maartensfonds s´appelle " Berkenkruis " (Croix de Bouleau). En 1967 on y lit pour la première fois la négation de l´extermination des juifs. Dès 1972 on y défend la théorie raciale national-socialiste.(3)
  2. Fin 1985, lors de la rédaction de son rapport final, la commission d´enquête du Parlement européen sur la réapparition du racisme et du fascisme, produit une liste d´organisations neo-nazi pour chaque pays. Dans la version initiale figure le nom du Sint-Maartensfonds. Après des protestations écrites de Jaak van de Meulebroecke (Volksunie), Rika De Backer (CVP), Willy Vernimmen (SP) et Karel De Gucht (PVV), le Sint-Maartensfonds est rayé de cette liste, malgré les protestations de Marijke van Hemeldonck (SP).(4)
  3. Au cours du débat dans le parlement flamand sur l´affaire, le président de la fraction Volksunie, Paul Van Grembergen, déclarait : " On a voulu nous associer à une idéologie qui est très loin de la nôtre. " Le 29 octobre 1979, le VMO organise une commémoration de Staf De Clercq, dirigeant du VNV, décédé en 1942, et dont le VMO avait, comme elle l´avait fait pour le prêtre-collaborateur Cyriel Verschaeve, déplacé les restes dans un rituel macabre. A cette occasion fut formé un comité d´honneur. Sur la liste des membres on trouve parmi d´autres Jef François (dirigeant du Algemene SS-Vlaanderen pendant la guerre), Jan Brans (ex-rédacteur en chef de Volk en Staat, le quotidien du VNV), Jaak Gabriëls (à ce moment vice-président du Volksunie et bourgmestre de Bree), Vic Anciaux (à ce moment président du Volksunie), Paul Van Grembergen (à ce moment président de la fraction parlementaire du Volksunie), Valeer Portier (à ce moment membre du conseil d´administration du Vlaams Economisch Verbond, président du Algemeen Nederlands Zangfeest et membre de la direction de Protea), Leon Rochtus (directeur de la banque Paribas à Anvers, commissaire à la société de portefeuille INBEL, membre du conseil d´administration de la caisse d´épargne Eural, de General Biscuits, etc., trésorier de Protea, membre de l´Orde van de Prince, et protecteur très influent du VMO).(5)

Est-ce que Johan Sauwens, est-il un fasciste ? Non. Est-ce que Paul Van Grembergen est-il un fasciste ? Est-ce que Van De Meulebroecke, De Backer, Vernimmen et De Gucht, sont-ils des sympathisants du néo-nazisme ? Non. Mais la Flandre a un problème.

Dès le début, le mouvement Charta ´91, dont je suis un des co-fondateurs, a soutenu la thèse que les raisons profondes de la naissance et la percée du Vlaams Blok doivent être cherchées en dehors de ce parti. Après les élections communales du 8 octobre 2000, Paula Burghgraeve, Eric Corijn et moi-même, ont écrit un texte de discussion qui essaie de cerner ce problème de plus près à travers une interprétation de la " spécificité flamande " (6). Il serait peut-être utile de lire ce texte-là conjointement avec celui qui suit.

Je ne prétend évidemment pas qu´on peut expliquer le phénomène du Vlaams Blok uniquement en analysant les caractéristiques historiquement " déterminées " de la Flandre. Il s´inscrit dans la tendance européenne, observé depuis une vingtaine d´années en France, en Italie, en Autriche et ,en moindre mesure, en Allemagne en dans quelques pays scandinaves, si on s´en tient à l´expression politique (constitution de partis) et électorale (résultat dépassant des scores groupusculaires). Il est plus que probable que ces expressions politiques et électorales très visibles ne forment que le sommet émergé de l´iceberg et que les sentiments xénophobes et sécuritaires existent aussi dans d´autres pays et d´autres régions. Reste la constatation que l´émergence et surtout le développement assez spectaculaire du Vlaams Blok et l´échec de l´extrême droite en Wallonie et à Bruxelles, ne peut pas être dû au hasard, aussi peu que l´absence de mouvement ou de parti d´extrême droite aux Pays-Bas par exemple.

Une double continuité

On pourrait caractériser la spécificité de la Flandre par l´existence d´une double continuité : la continuité diachronique et continuité synchronique de l´extrême droite, c´est-à-dire l´absence de rupture aussi bien dans le temps que dans le champ politique du moment (en dépit du Cordon Sanitaire) entre le Vlaams Blok et les politiciens des partis de la droite démocratique (du CVP, du Volksunie et du VLD)(7). Dans une première période, du début des années trente jusqu´à la fin des années quatre-vingt, cette continuité est elle-même largement explicable par l´histoire compliquée du mouvement d´émancipation flamande et du mouvement nationaliste flamand (deux phénomènes trop souvent confondus) dans le contexte de la Belgique unitaire, puis fédérale, et dans le contexte de la lutte des classes (selon moi, ceci vaut surtout pour la période 1933-début des années soixante, avec un moment culminant lors de la " question royale ").
A partir de la fin des années quatre-vingt, le Vlaams Blok obtient ses résultats électoraux principalement sur base de ses positions xénophobes extrêmes et l´obsession sécuritaire, et beaucoup moins à cause de son programme nationaliste (séparatiste), bien que les deux thèmes sont souvent liés. Selon la propagande de VB, l´indépendance de la Flandre mettrait définitivement fin aux " transferts financiers énormes " du Nord vers le Sud, des Flamands laborieux et disciplinés vers les Wallons paresseux et grévistes. Dès la fin des années quatre-vingt, la rapprochement dans le langage employé et dans les solutions proposés de certains politiciens avec le VB se fait de plus en plus sur des thèmes sécuritaires (souvent lié à un discours plus ou moins xénophobe) ou sur des thèmes dite de " réveil éthique " (pour certains chrétiens-démocrates), bien que le monstre de Loch Ness de l´amnistie apparaît régulièrement.
Le Vlaams Blok est né à cause de deux développements dans la Volksunie, au sein duquel se trouvaient un grand nombre des cadres pionniers du Vlaams Blok : le gauchissement relatif de ce parti à partir des années soixante (8) et la " trahison " de la " cause flamande " par la signature par les dirigeants du Volksunie des accords communautaires d´Egmont en 1977. A la fin de cette année deux nouveaux partis voyaient le jour, le Vlaams-Nationale Partij, crée à l´initiative de Karel Dillen qui en fut aussi pendant longtemps le président, et le Vlaamse Volkspartij de Lode Claes (9). Dans l´optique des élections législatives de 1978 ces deux partis formaient un cartel sous le nom de Vlaams Blok (10). Le résultat fut assez surprenant parce que Lode Claes, qui était plus connu que Dillen, ne fut pas élu à Bruxelles tandis que l´autre obtenait un siège à Anvers. Après une dernière tentative lors des élections européennes de 1979, Lode Claes quitait la vie politique active (il continuait d´écrire des contributions pour le magazine économique Trends qui appartient au groupe Roularta, éditeur du seul hebdomadaire d´information générale flamand Knack). Peu de temps après, le groupe de Dillen récupérait les éléments ultra-nationalistes et d´extrême droite du VVP, et continuait sous le nom de Vlaams Blok.
On oublie parfois que la percée électorale du VB s´est fait attendre dix ans, jusqu´aux élections communales de 1988. A ce moment, on parlait déjà de " Zwarte Zondag " (Dimanche Noir), surtout à cause du progrès inattendu et spectaculaire à Anvers (le nombre des voix fut sextuplé en le nombre de conseillers communaux sautait de 2 à 10, sur un total de 55, le VB devenait le troisième parti politique après le Parti Socialiste et juste après le CVP).

Pour les élections législatives on devait attendre jusqu´en 1991 pour vivre le " vrai " Zwarte Zondag. Les résultats en % (pour toute la Belgique) et en sièges (pour la Chambre) furent comme suite :
%sièges
19781,41
19811,11
19851,41
19871,92
19916,612
19957,811 (diminution du nombre de députés de 212 à 150)
19999,915

Si on examine l´histoire du nationalisme flamand d´extrême droite on remarque que, dès le début, il y a eu cette continuité synchronique, c´est-à-dire que ce courant politique n´a pas été isolé par les ou des partis et organisations " respectables ". Ainsi, un historien réputé du mouvement nationaliste flamand, remarque à propos de l´interbellum : " Le fait que le fascisme a pu se greffer sur le nationalisme eut comme conséquence que ce courant politique a réussi à se dissimuler. Cela avait comme conséquence importante que le VNV ne fut pas isolé. Il était lié au mouvement flamand large par tout un réseau de connections. "xi

En relation avec le dossier paru dans le précédent numéro de ce magazine sur les déportations des habitants juifs d´Anvers, et plus spécialement sur le rôle éventuel joué par le bourgmestre de guerre Leo Delwaide, il faut savoir que ce politicien fut élu dès 1932 comme député catholique pour la circonscription d´Anvers. En 1936 on le trouve à la tribune du congrès du Vlaamse Concentratie, aux côtés de son collègue catholique Gaston Eyskens, de Frantz Van Dorpe (un des dirigeants du Verdinaso) et de Hendrik Elias (dirigeant " modéré " du VNV). Dans le dossier sus-mentionné, on pouvait voir cette affiche choquante, datant de 1946, sur les " maîtresses " du candidat socialiste Camille Huysmans, et qui furent des stéréotypes de personnes juives, dignes du style fasciste le plus pur. Pendant la campagne pour les élections communales de 1938, au moment donc où Delwaide fut un des dirigeants des catholiques anversois, ce parti distribuait des tracts avec le texte suivant (ma traduction, PV) :

Ils ont fait de notre ville un lieu d´asile pour cette canaille étrangère (vreemd janhagel) de tous bords qui regarde les Anversois authentiques comme des êtres inférieurs. Notre population n´ose plus se promener dans son parc communal parce que celui-là est envahi par le peuple d´Israël. Electeurs ! N´oubliez pas que Moscou a choisi Anvers pour être le centre de l´activité révolutionnaire en Belgique. Plus de 8.000 étrangers, majoritairement des juifs Allemands, soutiennent une agitation révolutionnaire, et ils constituent dés maintenant les troupes d´élite pour la révolution à venir. Ne comptez pas sur les mesures que pourrait prendre monsieur Huysmans pour vous protéger! Vos meilleurs défenseurs se trouvent au sein du Parti Catholique. A bas les démagogues !(12)

Delwaide ne pouvait pas se présenter lors des élections de 1946, étant sous le coup d´une instruction judiciaire pour collaboration. Sa femme le représentait sur la liste du CVP et elle fut élue. Immédiatement après, la procédure judiciaire fut arrêté. Delwaide fut député de 1949 à 1958 et puis échevin du port jusqu´à sa mort en 1978.

Lorsqu´on examine d´un peu plus près l´évolution d´après-guerre, on s´étonne de constater que les milieux collaborationnistes d´une part se regroupent très vite dans des organisations et des réseaux qui sont en fait presque les mêmes d´avant-guerre et, d´autre part trouvent des sympathisants dans un milieu de droite nationaliste mais non-collaborationniste. " Il se formait une culture, un circuit parallèle de contacts sociaux, économiques, culturels et politiques. Les ex-collaborateurs achetaient dans leurs magasins réciproques, s´entraidaient, se mariaient entre eux. Ainsi naissait un mouvement de pression hétérogène mais fort vis-à-vis des partis politiques. "(13)
Sur le plan du personnel politique et économique il y avait deux mouvements en sens inverse. Tandis que des gens qui furent membre des mouvements fascistes pendant la guerre, s´éloignent de ce courant de pensée et évoluent vers le centre (comme Hugo Schiltz et André Leysen), d´autres, qui ne furent pas impliqué dans la collaboration deviennent des adeptes très prononcés du fascisme, y compris le négationisme (comme Karel Dillen et plus tard le fameux Roeland Raes).
A côté de la multitude d´organisations regroupant les collaborateurs et leurs enfants (Sint-Maartensfonds, Hertog Jan Van Brabant, Broederband), il y avait cette " nébuleuse " plus large qui sympathisait avec l´extrême droite dissimulée sous le nationalisme pur et dur. De façon plus souterraine, l´organisation de service pour les automobilistes et les touristes VTB-VAB, qui compte des dizaines de milliers d´adhérents en Flandre, sympathisait jusqu´à la fin des années septante avec ce nationalisme et sa publication hebdomadaire en témoignait. Son directeur auroritaire fut avant, pendant et après la guerre Jozef van Overstraeten (1896-1986), ex-membre du VNV.

Il y a évidemment la manifestation du IJzerbedevaart (et son comité organisationnel, en fait un instrument politique, le IJzerbedevaartcomité) qui rassemblait et rassemble encore (bien que depuis quelques années la foule n´est plus aussi impressionnante) des milliers de " pèlerins " du Volksunie, de CVP et du Vlaams Blok, ainsi que de leurs mouvements de jeunesse respectifs. On peut dire que le IJzerbedevaart fut pendant des années vraiment le centre symbolique de cette symbiose souvent inconfortable, mais symbiose quand-même, de la droite nationaliste " respectable " et de l´extrême droite. En témoigne le fait qu´en 1986 le Parlement Flamand a décidé (avec les voix du CVP, du Volksunie, et du Vlaams Blok) que le IJzertoren (couronné par les lettres AVV-VVK, Alles Voor Vlaanderen, Vlaanderen Voor Kristus, Tout Pour La Flandre, La Flandre Pour Le Christ) serait le mouvement officiel de l´émancipation flamande. Donnons un exemple de plus de cette continuité omniprésente: le nomme Seppe Coene (1904-2000), avocat de formation, est pendant les années vingt et trente président du Dietsch Studentenverbond, puis membre du VNV, dont il devient "gouwleider" (dirigeant régional) pendant la guerre. Après la guerre il est condamné et réside deux ans en prison, de 1948 à1950. En 1971 il devient président du IJzerbedevaartcomité, à la tête duquel il est succédé en 1980 par Paul Daels, qui a lui-même été membre du Nationaalsocialistische Jeugd Vlaanderen pendant l´occupation.(14) En 1993 Seppe Coene reçoit le Prix de la Communauté Flamande.(15)
En 1949, en pleine période de " question royale ", le CVP acceuille dans ses rangs d´anciens collaborateurs. Les plus connu sont Jozef Custers (1904-1982) et Victor Leemans (1901-1971). Sous l´occupation, le premier fut chef de cabinet du commissaire-général pour la reconstruction, puis commissaire-général. Il fut sénateur pour le CVP de 1949 à 1971, et de 1961 à 1965 il fut ministre de la santé publique et de la famille, et Victor Leemans, devenu dirigeant en 1936 du Arbeidsfront, une initiative commune du VNV et de Rex, fut secrétaire-général des affaires économiques de 1940 à 1944. Il fut donc pendant toute la période de l´occupation allemande le plus haut responsable des affaires économiques et donc de la collaboration économique " officielle ". Devenu sénateur CVP en 1949, il fut président du Parlement Européen en 1965-1966. En 1970 il entrait au conseil d´administration de la Société Générale de Banque.
De 1954 à 1977, la Volksunie fut l´instrument politique par excellence pour les extremistes de droite, qui n´y figuraient pas toujours comme des membres marginalisés, mais occupaient des postes assez importants au sein de la direction en comme élus à différents niveaux (communal, provincial, parlementaire). Deux exemples parmi beaucoup d´autres : Roeland Raes, encore lui, est président de la section gantoise du Volksunie de 1970 à 1977, pendant qu´il est vice-président de Were Di. Toon van Overstraeten, le fils du dirigeant du VTB-VAB, s´engageait dès l´âge de seize pour le front de l´Est. Interné après la guerre, il fonde en 1951 la périodique pour les anciens du front de l´Est " Periodieke Contacten " dont il devient le rédacteur en chef. Avec Karel Dillen il fonde le Jong Nederlandse Gemeenschap et Dietsland Europa. En 1971 il devient directeur politique du Volksunie. En 1985, par le jeu de l´apparentement, il est élu sénateur-Volksunie pour l´arrondissement de Nivelles.

Frank Sebberechts écrit à ce propos : " La problématique de la collaboration, de la répression et de l´amnistie était une donnée important dans le vécu (" de leefwereld ") de beaucoup de nationalistes flamands. Elle déterminait donc aussi leur choix de vote. C´est pour cette raison que la Volksunie avait un grand intérêt à tenir vivante cette problématique. "(16)

La nébuleuse qui va, au niveau des personnes impliquées, de la droite respectable à l´extrême droite la plus dure, est encore plus dense que les éléments sus-mentionnés laissent supposer : il y a ou il y avait des clubs et des groupes de pression, comme le lobby pro-Apartheid défunt Protea, le Marnixkring, le Orde van de Prince, où se côtoyaient des magistrats, des généraux de la gendarmerie et de l´armée actifs ou en retraite, des hommes (et très peu de femmes) politiques importants, des industriels et des financiers.(17)

Tout cela fait qu´en 1977, au moment ou les éléments d´extrême droite estiment que du point de vue tactique le moment est propice de provoquer une scission dans la Volksunie et de s´organiser en un parti politique autonome, le terrain n´est pas vierge. Ils profitent de pas mal de sympathisants dans les coulisses, et un certain nombre de politiciens et de journalistes ont des rapports personnels amicaux avec des cadres et des dirigeants d´extrême-droite. L´ex-collaborateur Lode Claes est considéré comme un personnage respectable dans le paysage politique et médiatique flamand. Il n´est pas le seul. Au-delà des personnes, ce sont les idées plus ou moins " adaptés " aux conditions évoluées qu´ils véhiculent, qui sont ou bien légitimées ou bien ne sont pas résolument rejetées.

La continuité historique de l’extrême-droite en Flandre et la continuité au sein de spectre politique sont évidemment lieés : la première est en grande partie le résultat de la seconde. Si l’extrême-droite en Flandre aurait été un élément étranger, qui aurait été éloigné des années lumières de la pensée politique « normale », il aurait disparu aussi vite que l’occupant nazi. Mais cela n’a pas été le cas et l’explication principale de cette continuité est que beaucoup de politiciens et d’intellectuels Flamands ont beaucoup pardonné aussi bien aux grands qu’aux petits fascistes au nom de « la cause Flamande ». Cette attitude trouble et troublante a fait sentir ses effets pendant une longue période, et existe encore maintenant, souvent de façon implicite.

Ceux qui pensent qu’il peuvent paralyser l’extrême-droite en Flandre par un acte rituel, « en tournant la page », devraient bien réfléchir sur la portée réelle de la formule qu’ils aiment utiliser : « noir » et « blanc » n’existait pas pendant la guerre, on doit nuancer. L’idée n’est pas particulièrement originale, comme le savent les historiens depuis bien longtemps. Mais si on tourne la page de ce qui s’est passée pendant la guerre, on verra que la page suivante n’est pas vierge.

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(1)J´emplois le terme "fasciste" et "fascisme" de façon large, y incluant la notion de nazisme.
(2)Bart De Wever, Zelfs morele hysterie heeft grenzen, De Standaard, 14/5/2001, p. 8.
(3)Bruno De Wever, Berkenkruis, Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, Tielt, Uitgeverij Lannoo, 1998, p. 470.
(4)Hugo Gijsels & Jos Vander Velpen, Het Vlaams Blok 1938-1988. Het verdriet van Vlaanderen, Berchem-Brussel, EPO-Halt, 1989, p. 99.
(5)Zie: Idem, pp. 83-84, en Jan Capelle, De zwarte schaduw van de Vlaamse burgerij, in: W. De Bock ea., Extreem-rechts en de staat, Berchem, EPO, 1981, pp. 105 ev.
(6)On peut consulter une version courte de ce texte en français sur notre site www.charta91.be
(7)Comme il n´existait d´ailleurs pas de Muraille de Chine politique entre pas mal de membres et cadres du parti catholique, et les fascistes du Vlaams Nationaal Verbond (VNV) et du Verdinaso pendant l´interbellum. La continuité est donc totale.
(8)Une étude sur les débuts du Volksunie dans la province du Limbourg témoigne de ce glissement. Des pionniers des années 1950, qui furent pour les deux tiers frappés par la répression, 12,5% considérait le Volksunie comme un parti d´extrême-droite, 34,4% commu un parti de la droite, 43,7% comme un parti du centre-droite, et 9,4% comme un parti du centre-gauche. Des militants des années soixante, personne ne situait le parti à l´êxtrême droite, 22,2% le voyait comme un parti de droite, 44,4% comme centre-droite et 33,3 comme centre-gauche. Voir : F. Ilsbroukx, De Volksunie in Limburg (1954-1971). Een bijdrage tot de geschiedenis van de Vlaams-nationale partijpolitiek in Limburg, onuitgegeven licentiaatsverhandeling geschiedenis, KU Leuven, 1992, p. 60 en p. 193.
(9)Claes devient échevin du Grand-Bruxelles en 1942. Après la guerre il est condamné pour collaboration et reste 5 ans en prison. Au début des années ´5O il devient le chef de la rédaction anversoise du quotidien De Standaard. De 1958 à 1964 il est secrétaire du Economische Raad voor Vlaanderen. En 1968 il devient sénateur pour la Volksunie.
(10)On peut constater la recherche de continuité jusque dans le nom même. " La dénomination Vlaams Blok ne fut pas choisi au hasard, mais faisait directement référence au VNV d´avant-guerre. En 1936 le VNV participait aux élections législatives sous le nom de Vlaamsch Blok. Lors des élections communales de 1938, le VNV formait à Anvers un cartel avec l´organisation des classes moyennes Eenheidsfront sous l´etiquette de circonstance Vlaamsch Nationaal Blok. " Hugo Gijsels, Het Vlaams Blok, Leuven, Uitgeverij Kritak, 1992, p. 86.
(11)Bruno De Wever, Het Vlaams-nationalisme tussen democratie en fascisme, in: Rudy Van Doorslaer, ea, Herfsttij van de 20ste eeuw. Extreem-rechts in Vlaanderen, Leuven, Kritak, 1992, p. 56.
(12)Jan Capelle, De zwarte schaduw van de Vlaamse burgerij, in: Walter De Bock, ea., Extreem-rechts en de staat, Berchem, EPO, 1981, pp. 88-89.
(13)Frank Sebberechts, Beeldvorming over collaboratie en repressie bij de naoorlogse Vlaams-nationalisten, in: Rudy Van Doorslaer, o.c., pp. 79-80.
(14)Pour plus de détails sur Paul Daels et sur les aspects angoissants du IJzerbedevaart, voir: Hugo De Schampheleire, De IJzerbedevaarten, in : Johan Anthierens, ea., De Vlaam "ss "che Kronijken, Berchem-Brussel, EPO-Halt, 1987, pp. 97-133.
(15)Financieel-Economische Tijd, 29/11/2000.
(16)Frank Sebberechts, o.c., p. 80.
(17)Voir par exemple: Carl-Jan Toornvliet, Het netwerk van de clan X, in: Johan Anthierens, ea., pp. 11-20, en Jan Capelle, o.c., pp. 67-118.

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